mardi 4 août 2015

Presque rien, chronique pour Hétéroclite (fév. 2015)

Décidément, bien plus que le cinéma, la télévision et les séries n'en finissent pas de renouveler et réinventer l'image des gays. Dernier exemple en date, l'excellente série Looking, sujet de ma chronique culturelle mensuelle pour Hétéroclite : Feux croisés.

Ce qui est beau dans Looking, c'est qu'il ne s'y passe rien. Enfin, il s'y passe des choses bien sûr, on ne bâtit pas une série sur du rien, mais ce qui s'y passe est infime, toujours un peu flou, toujours en hésitation, et c'est ce qui séduit, parce que la vie est ainsi, entre deux eaux, entre deux choix, entre deux désirs. Looking, c'est ça, c'est très justement ça : une gracieuse faculté à laisser flotter ses héros dans une sorte de séduisante indécision, une façon désinvolte de laisser venir presque par hasard les événements qui les bousculent. Il y a là un sens du réel tout à fait bouleversant. La saison 2 qui débute (merci OCS de diffuser en France les épisodes 24h seulement après les Etats-Unis) confirme le charme inouï, impalpable, doux-amer qui était celui de la saison 1 qui, elle, sort en DVD. Alors qu'est-ce qu'on regarde dans Looking ? Trois garçons, trois sexys amis de San Francisco aux allures, aux âges, aux modes de vie très différents, qui s'épaulent dans les coups durs, qui se chamaillent, qui draguent les mecs, qui ont des aventures, qui ont des angoisses, qui ont des projets, qui baisent, qui boivent, qui pleurent, qui sortent… 
C'est cela et c'est tout. Une structure un peu lâche qui laisse l'intégralité de la place aux personnages, qui nous laisse tout l'espace pour les approcher, les aimer, les comprendre. On est assez loin ici de cette autre belle série gay, Queer as folk, de son énergie, de sa frénésie, de ses personnages très dessinés : l'époque a changé, le traitement à l'écran de l'homosexualité aussi. On n'est plus dans l'affirmation d'une identité dans Looking, juste dans la captation d'un vécu. La modernité de la série se mesure d'ailleurs à sa faculté à poser l'homosexualité de ses héros comme une évidence jamais remise en cause. L'intelligence de Looking, c'est enfin de jouer à merveille d'un double tempo (le temps court d'épisodes brefs de 26 mn et le temps long de la série) pour se déployer et laisser évoluer tout en douceur ses personnages. On les saisit, on les abandonne, et on attend avec impatience de les retrouver. Comme tous les hommes qu'on aime, non ?

Looking, intégrale de la saison 1, distr. DVD : Warner/HBO. 
Looking, saison 2, en cours de diffusion sur OCS.

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