Plein feux, dans Feux croisés, ma chronique culturelle mensuelle pour Hétéroclite, sur Alan Turing, inventeur, génie à l'homosexualité longtemps passée sous silence, à l'occasion de la sortie du film Imitation Game.
On a de besoin de héros.
C'est beau les héros. C'est magnifique les héros. C'est rassurant, c'est
enthousiasmant, c'est une bouffée d'oxygène dans un horizon contemporain
encombré de Zemmours, de Philipots, de médiocres ignorants de tout mais si
contents d'eux-mêmes. Donc oui, des héros, des héros gays, des héroïnes
lesbiennes, pas des créatures Marvel, non, des héros du réel qui par leur
génie, leur action ont changé le monde ! Des héros gays pour nous donner des
modèles bien sûr. Mais surtout des héros gays pour le monde ! Car voilà bien le
paradoxe, voilà bien la tragédie qui permet à nos ennemis de prétendre que nous
sommes une abomination, que nous faisons courir la civilisation à sa perte,
qu'aucun homosexuel n'a jamais rien apporté à l'humanité : l'homosexualité des
héros gays n'est jamais dite dans l'histoire officielle ! Rayée ! Interdite !
Taboue ! Alors quand la grosse production Imitation
Game décide de raconter le destin si méconnu du Britannique Alan Turing,
héros de la liberté du monde qui permit de décrypter les codes secrets nazis et
de raccourcir la guerre de deux ans, c'est un sacré pas !
Car le film ne fait
pas l'impasse, loin de là, sur l'homosexualité de Turing, même si des scènes de
sexe ont été retirées : regrettons-le mais le film n'en souffre guère. Car
sinon Imitation Game ne masque rien
du rapport complexe de Turing à ses désirs et surtout de sa confrontation
permanente à la très répressive et homophobe société anglaise de
l'après-guerre. Au centre de sa vie, son homosexualité causera sa mort et sera
niée pendant des décennies. Que ce film grand public porté par l'interprétation
de Benedict Cumberbatch affirme aux yeux de tous, proclame à la face des
homophobes rancis qu'un héros gay dont l'homosexualité est consubstantielle de
son travail, a sauvé notre civilisation alors qu'ils vénèrent encore ceux qui
voulaient l'anéantir, oui, cela, est un acte politique essentiel. Qu'il faudra
renouveler. Et encore. Et encore. Ne soyons pas inquiets : l'histoire ne manque
pas de héros gays !
Imitation Game, de Morten Tydlum, avec Benedict Cumbarbatch, Keira Kneightley, Matthew
Goode.
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