mercredi 2 septembre 2015

Le Grand Livre des faits divers : extraits (1)

Regroupées par type de crimes (crime passionnel, familial, en série, en couple…), plus de 70 grandes affaires françaises du XXè siècle son évoquées dans LE GRAND LIVRE DES FAITS DIVERS, mon nouveau livre (coécrit avec Nathalie Weil) qui vient de sortir aux éditions Hors Collection. Dix-huit de ces histoires emblématiques et très marquantes (celles de Marc Dutroux, Florence Rey et Audry Maupin, Eugen Weidmann, Patrick Henry ou Pauline Dubuisson par exemple) sont longuement racontées. Voici donc sur ce blog quelques extraits de ces récits pour vous mettre l'eau à la bouche, je l'espère. Premier extrait : le début du texte consacré à Jean-Claude Romand, l'affabulateur qui tua toute sa famille en janvier 1993…

Peut-être que tout son destin est lié à un petit mot épais, barbare, un petit mot sans grâce. « Aptonyme ». Peut-être que tout le drame à venir est lové dans ces quatre syllabes qui, dès sa naissance, annonçaient la friction à venir entre le réel et la fiction. Aptonyme. Comme la vie future d’un boulanger semble déjà écrite malgré lui lorsqu’il s’appelle Pétrin, ou celle d’un directeur de la danse de l’Opéra de Paris quand il se nomme Benjamin Millepied. Lui, il s’appelle Romand. Romand comme un roman. Autant dire, à l’instar du Larousse, une " œuvre d’imagination  (…) dont l'intérêt est dans la narration d'aventures, l'étude de mœurs ou de caractères, l'analyse de sentiments ou de passions, la représentation du réel ou de diverses données objectives et subjectives. "
Comment ne pas se poser la question : et si tout découlait de là ?
Sa vie sera cela, une « œuvre d’imagination », un roman. Un roman longtemps rose en apparence et qui, d’un coup, sans prévenir, vire au roman noir. Les romanciers souvent racontent qu’au fil de l’écriture, leurs personnages leur échappent et vivent leur propre vie, que c’est eux qui mènent la danse. La vie romancée de Jean-Claude Romand un jour lui a échappé, la sorte d’autofiction qu’il avait bâtie lui a glissé des mains et tout s’est fracassé lorsqu’il a dû la confronter à la réalité. Il n’y avait plus moyen de prolonger la fiction, alors il a fallu annuler le réel. Cela s’est fait dans le sang. Sa femme. Ses enfants. Ses parents. Florence Romand, 37 ans. Caroline et Antoine Romand, 7 et 5 ans. Aimé et Anne-Marie Romand, 75 et 70 ans. Tués dans cet ordre. Plus de témoins de la béance entre Romand et son roman. Plus que lui, seul, face à son vide, face à une vérité d’autant plus terrible qu’elle s’apparente à un désert. Comme l’écrit Emmanuel Carrère dans L’Adversaire, le puissant « roman » qu’il a consacré à cette affaire : « Un mensonge, normalement, sert à recouvrir une vérité, quelque chose de honteux peut-être mais de réel. Le sien ne recouvrait rien. Sous le faux docteur Romand il n’y avait pas de vrai docteur Romand. »
Toute l’histoire de la tragédie qui se déroule le 9 janvier 1993 à Prévessin-Moëns et Clairvaux-les-Lacs, dans ces départements que sont l’Ain et le Jura, est résumée dans ces quelques mots : il n’y a pas de vrai docteur Romand. Jean-Claude Romand n’est pas médecin, il ne l’a jamais été. Il n’est pas chercheur à l’Organisation mondiale de la santé. Il ne donne pas de cours. Il n’a pas de bureau. Il n’a pas de salaire, pas de sécurité sociale, pas d’argent. Jean-Claude Romand, tel que chacun le connaît depuis toujours, sa famille, ses amis, est une illusion. Et parce que cette illusion patiemment élaborée durant dix-huit ans menace de se dévoiler, parce que cette fiction parfaite du mari parfait, du père parfait, du fils parfait, du scientifique parfait est sur le point de s’écrouler, il n’a plus qu’une seule solution : la mort. Ç’aurait pu être la sienne. Ce sera celle des autres…

LA SUITE EST DANS LE LIVRE…

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